Une nuit sous les tropiques de l'humanité (suite de post)

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De la boîte de nuit de l'hôtel à l'immeuble pour riches où logeait Eiri, il n'y avait que 15 minutes de marche. Pourtant, ce petit quart d'heure, qu'il faisait d'ordinaire le plus simplement du monde quand il avait des affaires à régler à l'E.Boy, lui paru cette nuit interminable. Le chemin n'était il pas plus long qu'à l'aller ? Non, il le savait bien. Cette impression n'était dûe qu'à la présence par trop stimulante de Yanbu, un jeune hôte de l'E.Boy, blond de son état et surtout, surtout... Jeune. Bref, durant le parcours du combattant, Eiri ne cessait de prendre la main du jeune homme avant de la relâcher, soucieux de lui éviter quelque embarras. Ce fut pire encore dans la cage d'ascenseur, la proximité était telle... Mais il habitait au troisième étage, pas de quoi commencer à batifoler alors que le confort suprême les attendait.

Malgré cela, une fois devant sa porte, Eiri se sentit beaucoup plus calme. Il fit la jouer dans la serrure avec une dextérité toute sereine et lorsqu'il ouvrit le battant, la première chose qu'il fit fut de s'accroupir en appelant son chat. Ce dernier sauta du canapé et trottina vers lui en ronronnant, semant quelques longs poils bleu-gris sur son passage. Eiri lui gratouilla la tête mais quand l'animal, jusque là parfaitement heureux, aperçut Yan derrière son maitre, sa fourrure se hérissa et il fila ventre à terre. Eiri soupira et se redressa.

"Il est probablement allé se réfugier dans la chambre d'ami. "

Oui, Eiri avait la facheuse tendance de laisser toutes les portes de son appartement ouvertes, exception faite de l'entrée et de son bureau. Le jeune homme entra dans sa demeure et invita Yan à faire de même.

"Je t'en pries," fit il en tenant la porte, prêt à la refermer.

"Tu peux t'installer sur le canapé, je dois donner à manger au chat."

Ils s'étaient promenés jusqu'à l'appartement de Eiri, et Yan se sentait finalement de plus en plus mal à l'aise. A la boite de nuit de E.Boy c'est un peu comme s'il se sentait chez lui, mais une fois reculé de ce monde-ci, il se sentait un peu perdu. Et pourtant, lorsqu'ils rentrèrent dans l'appartement de Eiri, il se sentait rassuré, réchauffé, et à l'aise, bien qu'une boule de poil vint l'accueillir d'un air peu aimable. Mais ceci le fit rire intérieurement.

*On dit que les chats ressentent ce qui va se passer. *

Cette pensée fut confirmée lorsqu'il apprit de la bouche du Yakusa que le minou était surement allé se cacher sous le lit. Il se tapota la tête, et alla s'installer sur le canapé comme le chef de la maison lui avait conseillé.
Il se mit à l'aise dans ce confortable canapé qui n'en serait que plus si Eiri se décidait à venir. Il se permit tout de même avant une observation des murs, des angles, des tableaux, des couleurs, ainsi que de Eiri en train de servir son chat. Si Yanbu était au courant que celui-ci était un Yakusa, cette scène l'aurait surement fait rire. Mais bien heureusement pour lui, il n'en savait rien.
Il posa ses bras le long du canapé, et renversa la tête en arrière. Il se sentait bien. Un peu chamboulé, mais parfaitement de bonne humeur. Il ne se sentait même pas dans le besoin de boire un verre.
Soudainement, il se sentait un peu honteux. Il se tapait l'incruste chez quelqu'un qu'il ne connaissait qu'à peine. Il était rentré dans l'appartement d'un homme, et il avait observé les quatre coins du mur comme pour vérifier s'il n'y avait pas de caméra de surveillance. A première vue, Eiri semblait être que quelqu'un de bien, et ordonné. Après, il n'en savait rien d'autre à part qu'il avait une bouche délicieuse, et le reste de son corps d'ailleurs. Un sourire parcourut ses lèvres.

Lorsque Yan se fut installé sur le canapé, ce dont Eiri s'assura avec précaution, le jeune homme se rendit dans la cuisine. Comme, malgré un simple comptoir qui séparait les deux salles, la cuisine n'était pas visible depuis le canapé, il retira son flingue de son manteau et le rangea à sa place habituelle : un tiroir sous lévier, à première vue un de ces faux rangements servant à assurer la symétrie des meubles, mais un loquet discret attaché sous le rebord du plan de travail permettait de le déverouiller. Il prit bien garde que le tiroir ne s'ouvrait pas et sortit le paquet de croquettes de couleur jaune pétant, avec un gros chat tigré de dessiné dessus. Il renversa bruyamment un gobelet dans la petite gamelle en fer blanc cotoyant une deuxième identique qui contenait l'eau (on pouvait y apercevoir quelques poils gris nageant à la surface). Aussitôt, une masse poilue sortit en trombe de la chambre d'amis, fit un large cercle pour éviter le canapé et atterit en glissant dans la cuisine. Eiri pouffa et laissa son animal plonger le museau dans sa nourriture. Après quoi il retira son manteau qu'il jeta sur un des tabourets de comptoir en cuir et sortit d'un placard deux verres à cocktail.


"Ca va ? Tu es à l'aise ?" lança t il à l'attention de Yan.

Pendant ce temps, il sortit un saladier empli à moitié d'un liquide rosatre. Ca lui était resté depuis la dernière soirée entre Yakusa.


Un verre rempli se présenta à Yan, avec en prime un sourire d'Eiri : ravageur. Ce dernier, après avoir donné sa boisson à son invité, s'assit dans le canapé, en douceur pour ce pas tout renverser.


"C'est un cocktail au pamplemousse... Sans alcool. Je me suis dit que tu n'apprécierais peut être pas de boire un peu plus d'alcool."

Eiri leva son verre.

"A quoi pourrions nous trinquer ? "

En fond, on pouvait entendre le cri des croquettes (viande, légumes, carottes) en train de se faire hâcher menu.

« Sans alcool, parfait ! »

Il saisit le verre. Une fois Eiri revenu, il ne savait trop pourquoi, mais son coeur avait fait un bon. Il ressentait encore cette chaleur dans son bas-ventre. Il croisa les jambes et jeta un rapide coup d'oeil au chat qui mangeait avec vivacité.

« - Trinquons à notre petite rencontre hasardeuse ! »

Il rigola et frappa gentillement son verre contre celui du rouquin.
Tout en buvant une gorgée du liquide, Yanbu eu une petite pensée pour le chat.

« - Dites-moi... commença t-il tout en avalant le liquide. »

Il se tourna vers Eiri et posa son poing contre sa joue, tout en s'accoudant au canapé;

« - Beaucoup de personnes viennent chez vous, pas vrai ? Ou bien vous avez un chat vraiment très peureux... Je ne suis pourtant pas effrayant... »

Il esquissa une moue boudeuse, puis lança un clin d'oeil à son conjoint. De toute manière, et puis après tout, cela ne le regardait pas. Il n'avait pas à demander ça, comme s'il était jaloux, ou bien vexé.

« - Oh et puis ce qui compte de toute manière, c'est que ce soit moi qui suit ici à présent. »

Et sur ses mots, il posa un petit baiser au goût pamplemousse sur les lèvres d'Eiri.
Il se sentait à l'aise, oui, cela était certain. Il aurait aimé l'être plus encore. Mais il avait déjà tout ce dont il avait besoin, pour l'instant.

« - Vous vivez ici depuis longtemps ? Se risqua t-il en se détachant d'Eiri. »

Eiri était tombé juste. Il s'en trouva ravi. Tous deux trinquèrent donc à leur rencontre fortuite. Eiri but avec plaisir, ce petit raffraichissement en se disant qu'il aurait dû apporter des glaçons. Il prit aussi le temps d'avaler une longue gorgée avant de répondre à la question qui lui était posée.

"De temps en temps, oui. Il m'arrive d'avoir des collègues de travail. Les amants sont plus rares."

Non pas qu'il ait un compte impressionnant de partenaires sexuels différents, bien au contraire. Mais la plupart du temps, il les prenait à l'hôtel ou chez eux, quand il ne s'agissait pas de professionnels.

"Il devrait être habitué, certes, mais il a toujours été comme ça. J'ignore pourquoi. peut être qu'il est le chat d'un seul homme !"

Eiri rit doucement à sa propre plaisanterie qui supposait que son chat en pinçait pour lui et qu'il était jaloux. A la remarque suivante de Yan, le sourire joyeux d'Eiri se transforma en sourire tendre et il posa son verre pour caresser d'un doigt la joue du blond. Juste avant que ce dernier ne lui colle un baiser au goût amer-sucré du cocktail qu'il appréciait tant. Eiri ne l'enjoignit pas à plus, car il goutait avec grand plaisir ce moment tranquille en sa compagnie. Toutefois, après que leurs lèvres se soient quittées, il s'approcha un peu plus, reprenant son verre par la même occasion.

"Et bien, cela fait... Oui, ça doit être ça. Un peu moins de deux ans. Mais je suis au Japon depuis cinq ans. Je viens d'Allemagne."

Sa main libre était posée sur le canapé, entre eux deux. Une véritable invitation pour la main de Yan. Soudain, un ronronnement fort se fit entendre et le chat apparu sur l'accoudoir du canapé, du côté d'Eiri évidemment. Surpris, celui ci tourna la tête. L'animal s'assit sur l'accoudoir en reluquant Yan avec méfiance.

"Je crois qu'il a décidé de faire un effort." plaisanta t il.